Ce numéro de la Revue des sciences sociales met en confrontation diverses manières d’analyser le « fait religieux », en présentant un débat à plusieurs entrées :
– entre différentes disciplines souvent en résonnance comme la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie, l’histoire, la philosophie ou les sciences cognitives,
– entre des modalités variées d’analyser le religieux dans une même discipline,
– par la comparaison des approches selon les univers religieux,
– par le repérage de spécificités nationales : on pense en particulier à « l’exception française » que constitue l’inscription de la laïcité dans la Constitution de la République.
Des auteurs réfléchissent ici sur leurs recherches passées ou présentes, d’autres analysent des spécificités propres à tel pays (c’est le cas de la France surtout, dans ce dossier, mais aussi de l’Allemagne), d’autres encore comparent les traitements sociologiques de différentes religions ou confrontent diverses approches disciplinaires.
Les articles s’organisent autour de trois axes, trois temps en quelque sorte du traitement de la question du religieux :
1. Comment se construit aujourd’hui le rapport au croire ? Quelle est la relation particulière que nous entretenons avec les êtres invisibles, quels effets ont-ils de nos jours sur nous et quelle est, de ce fait, leur consistance à la fois ontologique et sociale ? L’analyse critique, pour certains, permet de considérer les manifestations du surnaturel ou de la transcendance comme explicables, voire prédictibles. Pour d’autres, la tradition critique qui s’attache depuis les Lumières à déconstruire le religieux, ne s’oppose pas nécessairement à ce dernier : obligeant les religions à se mettre en question, elle les pousse à se renouveler et paradoxalement elle devient le moteur d’une productivité remarquable, qui explique en grande partie le « retour du religieux » à notre époque. Ce retour prend par ailleurs des formes diffuse, le religieux se révélant imprégner de nombreux aspects de la vie quotidienne et de l’inscription des individus dans leurs sociétés. Il existe une médiatisation de la religion (par la retransmission télévisuelle d’événements comme les déplacements du pape) impliquant une réflexivité des croyants aussi bien que des non croyants sur le religieux.
2. Quelles sont les figures sous lesquelles se manifeste de nos jours le religieux ? Plusieurs articles traitent ainsi de l’irruption de ces formes : dans le succès tout à fait sécularisé d’un terme comme « avatar », dans les jeux vidéo, dans les pratiques thérapeutiques alternatives (mais aussi dans les formes tout aussi « irrationnelles » de croyance dans la médecine académique), dans les expériences personnelles de la transcendance, ou dans la revitalisation de mythes anciens par l’art, la psychothérapie ou les sectes.
3. Enfin, que faire du religieux, aujourd’hui ? L’enseigner, ou enseigner comment l’interpréter ? Inscrire la laïcité dans les principes d’une démocratie, au risque de faire de la laïcité elle-même une religion ? Quels sont les outils que nos sociétés se donnent pour penser le religieux ?